Pérou, Le tour de la Cordillère Huayhuash

Cet itinéraire de randonnée pédestre (trekking, pour les modernes) est annoncé par les péruviens comme faisant partie des dix plus beaux du monde ! Cela le dessert un peu car on s’attend alors à quelque chose de plus spectaculaire que ce qu’il offre en réalité. Il n’en reste pas moins que c’est une belle rando, idéale pour qui souhaite découvrir la randonnée en pays exotique, car elle est facile et accessible. Facile, car les étapes sont courtes, la dénivelée modeste, les chemins sans difficulté sur l’itinéraire de base et les sacs légers si on loue les services d’un muletier et de ses ânes. Accessible à la fois matériellement, par avions et autobus commodes, et financièrement car le Pérou est un pays bon marché, voyage Paris-Lima mis à part.
Reste qu’il faut se méfier de l’altitude. On dort à 4200m dès le deuxième jour et on ne redescend pas au dessous de 4000m – sauf pour une nuit à 3500m – pendant dix jours. De plus, s’il devient nécessaire de descendre entre le 3ème et le 7ème jour, on ne pourra perdre de l’altitude qu’assez lentement et on se trouvera embarqué dans un détour laborieux de plusieurs jours sur le versant Est des Andes. Certes, dans la tranche d’altitude 4000/5000m, il est possible pour la majorité des gens de se passer d’acclimatation sans ennui majeur, avec un peu de chance et pas mal d’aspirine. Mais le risque d’œdème – sans parler du confort – mérite un peu plus de précautions. Le mieux est de commencer par quelques jours à Huaraz (3000m) d’où on pourra faire quelques excursions (incursions ?) au-dessus de 4000m dans la Cordillère Blanche qui, de toutes manières, mérite le détour (et même un séjour rien que pour elle, mais ceci est une autre histoire…).

 

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La cordillère Huayhuash vue de Chiquian

 

Climat

De Juin à Septembre, il fait plutôt sec. Emporter tout de même une cape car le risque de pluie n’est pas nul. La neige est possible mais rare en-dessous de 5000m. En Mai et Octobre, il vaut mieux emporter des bottes que des chaussures de randonnée. Il paraît que l’itinéraire est parfois parcouru entre Novembre et Avril. Mais il est à mon avis plus simple pour les mêmes sensations de rester chez soi et d’aller déchirer en menus morceaux une liasse de billets de 20 Euros sous sa douche (froide évidemment).

Il fait sec mais il fait frais. Il gèle à peu près systématiquement la nuit au-dessus de 4000m. Le plus gênant est le vent, omniprésent, et d’autant plus fort qu’il fait plus beau, effet des brises thermiques bien nourries par le soleil tropical. Pas de problème dans la journée car le soleil cogne. Fin d’après-midi et petit matin sont une autre affaire. La tente mess pour cuisiner et prendre les repas n’est pas forcément un luxe inutile. Quand le vent est purement thermique, il s’arrête pendant la nuit, c’est déjà ça. Noter aussi que les nuages se développent en cours de journée et que la petite averse – qui mouille à peine – en fin d’après-midi est quasi systématique, surtout sur le versant Est des Andes.

Logistique

Nous avons organisé notre logistique à l’ancienne, c’est-à-dire de Chiquian à Chiquian (photo : le bourg de Chiquian), comme le recommandent encore les livres-guides tel Le Routard ou Lonely Planet. Mais cette approche est sur le déclin : une route a été tracée jusqu’au village de Llamac, maintenant desservi par autobus régulier quotidien depuis Huaraz. Il y a déjà un petit hotel à Llamac (Andean Kingdom, tel : 725555) qui peut probablement se charger de vous trouver « arriero » et « burros » (muletier et ânes). Sinon, la pratique la plus répandue est actuellement d’organiser l’affaire à travers une agence de Huaraz : votre arriero vous attendant à Llamac à l’arrêt du bus.

Pour une logistique minimale – il vous faudra certainement batailler pour imposer ce minimum si vous passez par une agence – apportez votre propre matériel de camping, y compris une tente pour l’arriero, et votre propre nourriture, y compris la part de l’arriero qui ne fera pas de difficulté pour manger la même chose que vous (plutôt deux parts qu’une !). Si votre arriero connaît le parcours, vous n’avez besoin de rien d’autre, mais on tentera de vous refiler un guide, une équipe de cuisiniers, un cheval de secours pour le transport d’un éventuel blessé, etc. Comptez qu’un âne porte 40 kg, mais prévoyez de la marge dans vos calculs : mieux vaut un âne de plus que des ennuis en cours de route. La logistique minimale n’est pas chère, moins de 150 $ par personne pour un groupe de quatre pendant quatorze jours (avec quatre ânes) en incluant le coût de deux nuits d’hôtel à Chiquian au départ et à l’arrivée.

Pour un départ de Chiquian il suffit de demander à un hôtel de vous trouver un arriero. Nôtre Hostal San Miguel était cher pour des prestations assez médiocres, mais il a un jardin et nous a procuré un arriero très recommandable (Emedio Gonzalez-Rumaldo, éleveur de bétail, fabriquant de fromage et donc probablement arriero à ses heures par plaisir du voyage !). Les tarifs à Chiquian (8$/j pour l’arriero et 4$/j pour un âne) sont inférieurs à ceux de Huaraz (10 et 5$) mais comme il faut deux jours de plus cela compense. A moins que pour survivre, l’industrie touristique de Chiquian ne se mette à organiser des tours au départ de Llamac.

Pour la nourriture on trouve presque tout à Huaraz, y compris de la très bonne essence blanche pour réchauds (« bencina » qui s’achète dans les quincailleries appelées « ferreterias »). On trouve aussi du gaz mais la compatibilité Camping-Gaz est à vérifier. Les inconditionnels du gaz ferons mieux de s’approvisionner à Lima. Noter aussi qu’à Huaraz on ne trouve comme plats instantanés que purée de pommes de terres, nouilles chinoises et boîtes de conserves (lentilles au lard, pois-chiches à la viande). Emmenez vos soupes en sachet. Emmenez aussi vos barres de céréales et tablettes de bon chocolat. A Chiquian on trouvera pain et fromage, à Llamac à peu près rien.

Quelques détails : Les municipalités dont vous traversez les alpages au cours de votre rando en profitent pour taxer, modestement, votre camping. Ce fut le cas pour nous à Llamac, Mitucocha, Huayhuash, Huayllapa. Demandez le reçu pour être certains de ne pas avoir affaire à un petit malin. Clarifiez avant de partir avec votre arriero la question de savoir si c’est lui ou vous qui paieront le logement des ânes aux endroits où il n’aura pas le droit de les laisser en liberté (Llamac et Huayllapa). Ne laisser rien traîner en dehors des tentes, ni le jour, ni la nuit, et ne laissez pas de camp sans surveillance (nous n’avons eu aucun problème, mais il paraît que le chapardage est fréquent, arriero dixit).

Noter pour finir qu’il est difficile de se faire comprendre même à Lima ou Huaraz autrement qu’en espagnol, que les péruviens appellent le castillan. Votre arriero ne parlera certainement pas autre chose.

Carte

La meilleure carte actuelle semble être celle de l’Alpine Mapping Guild « Cordillera Huayhuash, Peru » au 1/65000, disponible en France. Elle a deux principaux défauts. Le premier est que l’extension des glaciers est très exagérée. Ceci est dû probablement moins au changement climatique qu’à une mauvaise interprétation de l’image LANDSAT qui a servi a établir leur couverture. Ce n’est guère gênant pour le randonneur qui évolue plus bas, mais l’andiniste tenté par les très beaux sommets devra chercher d’autres renseignements sur les accès. L’autre défaut est que la carte ne figure pas les barres rocheuses, gros handicap pour qui voudra sortir des sentiers battus.

Notes d'itinéraire

Les notes qui suivent sont inutiles si vous louez les services d’un arriero : il servira de guide. Mais il y a des courageux qui attaquent l’itinéraire tous seuls en portant leurs gros sacs ; ils sont même relativement nombreux. Ces notes leur sont offertes avec mon admiration (et peut-être un peu d’envie de la part de quelqu’un qui ne peut plus porter de sacs lourds et regrette la liberté perdue !).

Les horaires indiqués sont des horaires lents, mais avec un minimum d’arrêts. Les altitudes sont un peu arrondies.

1er jour : De Chiquian (3400m) à Llamac (3300m)

Un « colectivo », mini-bus au fonctionnement intermédiaire entre autobus et taxi (on y est nombreux, mais il s’arrête n’importe où) dessert la ligne tous les matins, en plus du bus Huaraz-Llamac qui passe par Chiquian, à peu près aux mêmes horaires. Vous pouvez employer l’après-midi à fignoler votre acclimatation ou faire la sieste selon vos goûts (photo : le village de Llamac).

2ème jour : De Llamac à Quartelhuain (4200m). 6 heures.

Essentiellement sur une route en terre qui heureusement ne voit passer qu’une poignée de camions chaque jour, l’étape fournit un démarrage tranquille. Le camp, dans un petit creux près de bergeries est un peu à l’abri du vent.

3ème jour : De Quartelhuain à Laguna Mitucocha (4200m). 5 heures.

Un sentier raide dès le départ qui négocie astucieusement le système de barres aboutit au col de Cacanam Punta, non nommé sur la carte (bizarrement, les cols dans ce pays s’appellent « punta » qui veut dire « pointe » en espagnol, va comprendre…). La suite est facile jusqu’au camp au bord de la Laguna Mitucocha, l’un des plus agréables du tour avec Huayhash et Jurau. Nombreux oiseaux aquatiques et belle vue sur le Jirishanca si le temps le permet.

4ème jour : De Mitucocha à Laguna Carhuacocha (4100m). 5heures.

La carte indique un itinéraire hors chemin passant au plus près des montagnes. Il est réputé délicat avec un cheminement difficile à trouver dans les barres. L’itinéraire classique remonte sans problème la première vallée franche que l’on trouve à sa droite en quittant Mitucocha (tracé des chemins un peu erroné sur la carte, voir correctif 1). Trajet peu intéressant jusqu’à la moraine dominant le lac de Carhuacocha d’où l’on a une vue spectaculaire sur le lac et les grands sommets qui le dominent si le temps le permet (je ne le dirai plus, c’est promis).

5ème jour : à Carhuacocha.

Site le plus célèbre de la région, il est fréquenté : on se bouscule un peu au camp. La journée est mise à profit pour visiter la vallée de Siula en aller-retour. Un chemin rive gauche de la Laguna Siula permet d’atteindre un endroit sympathique à l’arrière du lac, puis le déversoir de la Laguna Quesillococha d’où on admire ce qui reste du glacier et les sommets. Un chemin rive droite du lac de Siula, passablement marécageux aux abords du lac, offre une alternative vers Huayhuash pour l’étape suivante. Cette variante est réputée difficile et les bergers de Carhuacocha s’offrent comme guides, car les ânes ne peuvent y passer et l’arriero doit évidemment suivre ses ânes.

6ème jour : De Carhuacocha aux bergeries de Huayhuash (4300m). 6 heures.

Du déversoir du lac on descend la vallée sur 1,5km jusqu’à des bergeries (tracé du chemin erroné sur la carte, voir correctif 2) avant de monter, raide au début, en rive droite de la vallée montant à la Punta Carnicero. Descente variée et agréable jusqu’aux bergeries de Huayhuash. Attention cependant : en vue du Lac Carnicero, il faut quitter le sentier principal qui continue à flanc vers on ne sait où – continuation non figurée sur la carte – et descendre à droite en direction du déversoir du lac.

7ème jour : de Huayhuash au camp de Viconga (4450m). 6 heures.

Encore un parcours assez intéressant. A la Portachuela de Huayhuash on franchit en sens inverse la crête des Andes pour se retrouver du côté Pacifique. Eh oui ! Pendant cinq jours, on a pissé dans l’Amazone ! Le camp est un peu en aval du Lac Viconga. Ce lac est exploité pour l’hydro-électricité. Il y a semble-t-il des lâchers d’eau chaque nuit : ne pas s’installer au bord du torrent sortant du lac. A deux kilomètres en aval, on se baigne en plein air dans un bassin aménagé alimenté par une source d’eau chaude naturelle. C’est bon !!!

8ème jour : de Viconga à Huanacpatay (4250m). 6,5 heures.

C’est LE jour où on dépasse l’altitude 5000m. Chemin en rive droite vers le col de Punta Cuyoc ; le chemin, assez peu marqué au départ, se clarifie ensuite. Sur une bosse vers 4800m, il vaut mieux ne pas suivre le chemin évident qui traverse horizontalement pour gagner le fond du vallon : des cairns attirent l’œil vers la gauche, c’est là qu’il faut aller, sur un sentier peu visible initialement. Montant à flanc, il offre un meilleur paysage et gagne facilement la crête un peu plus haut et plus au sud que le col géographique au lieu d’attaquer de front la raide pente de caillasses du col. Descente raide au début puis paisible. Nombreux emplacements possibles pour camper dans cette vallée ; l’usage semble être d’aller loin en aval presque au coude de la vallée.

9ème jour : De Huanacpatay à Jurau (4300m). 4 heures.

On commence par descendre, puis le chemin s’élève un peu rive droite jusqu’à environ 100m au dessus de la rivière (mal tracé sur la carte, voir correctif 3) pour éviter le verrou au débouché de la vallée. Dans les lacets de descente vers le Rio Calinca, un petit sentier part à droite pour remonter la vallée du Rio Calinca jusqu’à un replat sous la moraine frontale de la Laguna Jurau où l’on campe. L’endroit est peu fréquenté car en dehors de l’itinéraire le plus classique. Agréable mais « mucho frio » avec du vent (photo : le temps se gâte sur Jurau).

10ème jour : De Jurau à Huayllapa (3500m). 4,5 heures (hors AR à Sarapococha).

Avant de descendre – facilement – à Huayllapa, cela vaut la peine de faire un aller-retour jusquà la crête de la moraine frontale du lac Sarapococha (4550m, 2h et demie pour l’aller-retour en marchant bien). Bien assouplir la nuque pour pouvoir lever suffisamment la tête et admirer le sommet du Sarapo, 1700m plus haut (photo : au pied du Sarapo, Yerupaja se cache). A Huayllapa on campe sur le terrain de sport ou dans la cour de l’école maternelle selon les humeurs combinées de l’arriero et des habitants. L’épicerie de Huayllapa offre Coca-Cola, bière, eau minérale et bananes. Pas de pain.

11ème jour : De Huayllapa au camp sous Susucocha (4650m). 7,5 heures.

La seule étape où il faille vraiment monter (1200m). Le chemin se branche de manière assez peu visible sur le chemin de Jurau par où on est descendu la veille. On reconnaît le carrefour à ce qu’il est à un point haut du chemin de Jurau : on vient de monter raide depuis le village et le chemin se met à traverser en légère descente vers le Rio Calinca. C’est là qu’il faut tourner et monter à gauche vers la Punta Tapush. Il faut de la patience à la fin de la montée, car le col est toujours plus loin que l’on croit, mais la descente est brève, jusqu’au camp sur un beau replat un peu plus loin et plus bas que le lac de Susucocha. On campe en vue du Diablo Mudo (le Diable Muet) qui est peut-être le seul sommet facile du massif.

12ème jour : De Susucocha à la Laguna Jahuacocha (4100m). 4,5 heures.

Un chemin non figuré sur la carte descend rive droite, d’abord assez raide puis en traversée descendante à droite (bosquets de « quinuals », les forêts les plus hautes du monde) pour s’enfiler dans le vallon montant au col Yaucha de manière à perdre beaucoup moins d’altitude que si on suit les chemins tracés sur la carte (voir correctif 4). Beaux paysages dans la descente de l’autre côté. Bien rester rive gauche jusqu’en bas pour franchir le verrou de sortie. Le site de Jahuacocha est l’autre site célèbre et fréquenté du massif ; il donne accès au versant Ouest des grands sommets, Yerupaja et Jirishanca.

13ème  jour : de Jahuacocha à Llamac par Pampa Llamac. 6 heures.

Il faut faire un peu attention pour ne pas rater l’embranchement vers Pampa Llamac 3 km après le départ du camp : au bout du replat où se trouvent bergeries et bâtiment de chantier (quel chantier ?), juste après avoir passé toutes les crêtes rocheuses qui rétrécissent la vallée en rive droite, un vague sentier caillouteux monte à droite du chemin principal qui, à cet endroit, passe sur un canal d’irrigation couvert. Peu après cela devient un sentier très confortable (photo : vue sur Jirishanca et Yerupaja). Il traverse quelques beaux restes de l’ancienne forêt de quinuals en voie de disparition avant d’arriver à l’épaule Pampa Llamac d’où s’offre un dernier regard au panorama de la Cordillère de Huayhuash (photo carte postale) avant de plonger vers Llamac. Petit effort de concentration à faire aux environs de 4000m pour ne pas rater le sentier qui part à droite (mais où va l’autre ?) dans le raide vallon qui mène à Llamac.

14ème jour : de Llamac à Chiquian

Par le colectivo ou l’autobus aux environs de 11heures.

Variantes :

On a cité au passage la variante possible entre Carhuacocha et Huayhuash. Il paraît aussi qu’il y a une possibilité de passer de Huanacpatay à Jurau à travers le Cerro San Antonio (itinéraire Terres d’Aventure) au lieu de contourner par les vallées, mais la contemplation de la complexité des systèmes de barres du versant vu depuis Jurau soulève bien des interrogations. Il y a encore d’autres variantes, plus alpines et plus proches des hauts sommets, accessibles à ceux qui ne seraient pas « encombrés » d’ânes et auraient les capacités techniques de s’y débrouiller. Pour le randonneur standard, noter enfin qu’on peut aller en une journée de Jahuacocha à Chiquian en passant par Pacllon au lieu de Llamac. La route atteint en effet aussi Pacllon et il paraît (dixit notre arriero qui en est originaire) que l’on y trouve une camionnette dont le propriétaire accepte de transporter les touristes jusqu’à Chiquian à toute heure du jour et de la nuit.

 

 

Auteur et date du parcours :

C. et D. Pastre, P. Arnal, J. Baldeck, Juillet 2004